There's only one god [PV Aaron]

Un autre dimanche matin bien rempli. Noah avait mené la messe comme à son habitude, avec énergie et ferveur, suivi par ses fidèles. En toute sincérité, il se demandait parfois si la plupart d'entre eux étaient vraiment là par foi, et non en raison de son don qui les poussait à revenir encore et encore, malgré eux.

Au fond, était-ce vraiment si important ? Une part de lui était obsédée par le sujet, quand l'autre s'efforçait de se focaliser sur les points positifs, particulièrement sur les revenus que lui assuraient ses fidèles, trop désireux de plaire à leur cher prêtre. Noah n'avait pas à s'inquiéter de l'avenir de son lieu de culte, ou de son propre futur, pas avec les dons qu'il collectait régulièrement.

La caisse était bien remplie, aujourd'hui encore. Après avoir salué les derniers fidèles qui souhaitaient lui adresser la parole, le félicitant pour son sermon et ses beaux discours, Noah s'empressa de mettre l'argent à l'abri. Son église était dans un quartier relativement calme, mais il n'était jamais trop prudent.

En vérité, il lui était déjà arrivé, une fois et une seule, de faire face à une tentative de braquage, jusqu'à ce qu'il parvienne à faire céder le voleur sous le poids de sa profonde culpabilité. S'attaquer à un prêtre, à Noah Giles ? Non, c'était tout simplement inenvisageable. L'homme avait fait demi-tour sans demander son reste, et Noah avait pleinement réalisé l'étendue de ses dons, à cet instant précis.

Noah était en train de remettre un peu d'ordre dans les allées de son église, ramassant les quelques papiers laissés par ses fidèles après qu'ils en aient lu le contenu durant leurs chants, balayant poussière et traces de boue, quand un bruit de pas attira son attention.

Noah ne reconnaissait cet homme ni d'Eve ni d'Adam. Le prêtre se vantait d'être plutôt physionomiste, capable de discerner ses fidèles sans difficulté, y compris ceux qui venaient plus rarement. Mais lui ? Noah ne l'avait définitivement jamais vu. Le prêtre déposa son balai contre un mur, s'étirant douloureusement et regrettant de ne plus être aussi athlétique qu'il avait pu l'être dans sa jeunesse.

Un sourire courtois aux lèvres, Noah accueillit l'inconnu au sein de son église, prenant soin de s'exprimer sur un ton modéré. Ici, les sons résonnaient si facilement... Magnifique lorsque la chorale et ses fidèles faisaient entendre leur voix. Assourdissant dans d'autres occasions.

"Bonjour à vous. Quel dommage, vous avez raté la messe, à une vingtaine de minutes près. L'église vous reste évidemment ouverte si vous souhaitez vous recueillir. Je suis le Père Giles, également à votre disposition pour vous tenir compagnie ou entendre vos confessions."

Noah serra brièvement la main de l'homme, ne souhaitant pas faire durer le contact physique plus que nécessaire. Cette personne, qui qu'elle soit, ne semblait pas en besoin de son toucher apaisant, et limiter le contact peau contre peau était la seule parade que Noah avait trouvé pour éviter de faire usage de son don.

Comme il avait pris l'habitude de le faire pour les nouveaux venus, Noah alluma un cierge pour l'inconnu, faisant un bref signe de croix avant de lui dédier une courte prière. Il n'avait aucune obligation de le faire, mais c'était peut-être une manière pour lui de se repentir de ses futures fautes. Si l'inconnu faisait ensuite partie de ses fidèles, il se retrouverait exploité comme les autres, après tout...

There's only one god

@Noah Giles

Depuis son retour, Borée n'arrivait pas à comprendre ce qu'était devenu la religion dans ce nouveau monde qu'il ne connaissait plus. Plus personne ne vénérait les dieux qu'il avait connu autrefois, toutes ses divinités qui vivaient autrefois sur l'Olympe. Plus personne ne le vénérait, lui et pour une divinité, ça foutait un sacré coup au moral. De son temps, il y avait plusieurs dieux mais aucun mortel n'avait jamais affirmé qu'il n'y en ait qu'un seul comme c'était le cas aujourd'hui. La religion n'avait plus rien à voir, comme le montrait cette église qui était bien loin de ce que tous les temples érigés en son honneur étaient.

Il avait besoin d'obtenir des réponses, de comprendre ce qui avait pu changer à ce point pour qu'une fois sortie de sa prison, tout le monde l'ait oublié. Enfin, pas tout le monde mais un nombre conséquent dans tous les cas. Il entendait bien sûr quelques prières qui lui étaient encore adressées à travers le globe, venant surtout de marins qui partaient en mer mais elles étaient si peu nombreuses qu'il aurait pu les compter d'une seule main.

« Bonjour. » lui répondit-il avec un large sourire. « J'attendais justement que votre établissement soit vide avant de venir vous rencontrer. » Chose idiote puisque participer à cette messe l'aurait sans doutes aidé à mieux comprendre tout ça mais depuis son retour, il était quelque peu mal à l'aise au milieu de la foule, comme s'il n'avait pas sa place ici, à cette époque au milieu de toutes ces personnes bien trop différentes.

« Je ne suis pas ici pour me confesser. » Qu'il lui répondit avec bonté dans la voix tant ce prêtre lui inspirait confiance sans même qu'il ne sache pourquoi. Il ne l'avait jamais vu mais quelque chose chez lui le faisait se sentir bien, comme si tout allait s'arranger. Il lui serra la main comme il était coutume de le faire dans ce monde pour saluer quelqu'un et l'observa ensuite allumer une bougie et faire ce signe de croix. Le brun fronçait les sourcils en analysant au mieux la situation à laquelle il assistait. « Je m'appelle Aaron Northman et je suis ici car j'aurai aimé en apprendre un peu plus sur votre dieu. » Ce mot lui écorcha presque les lèvres tant il eut du mal à le prononcer. Les dieux, il les connaissait tous et celui-ci ne faisait pas partie de ses connaissances aux dernières nouvelles alors pourquoi était-il le centre de toute cette religion ? Sûrement un mortel doté de magie divine comme l'avait été son tortionnaire, Eole et bien d'autres hommes de son époque. « Êtes-vous convaincu de son existence ? » Il imaginait bien que oui pour qu'un homme lui voue sa vie entière comme ce prêtre le faisait. La question pouvait fâcher, il savait parfaitement à quel point les croyants pouvaient se montrer irritables quand on mettait en doute leur foi.

Noah avait hoché la tête lorsque l'homme lui fit savoir qu'il attendait justement que l'église se vide. Quelles que soient ses raisons, le prêtre ne le jugeait pas, et le laissait libre de les lui confier s'il le souhaitait. Certains de ses fidèles souffraient d'anxiété sociale ou d'agoraphobie, et prendre part aux messes étaient au dessus de leurs forces.

L'un de ces fidèles-là avait d'ailleurs tenté malgré tout de venir, poussé par sa culpabilité, et Noah avait usé de trésors de psychologie et de patience pour le convaincre que se rendre à ses services n'était pas utile, et que l'homme pouvait lui démontrer sa fidélité d'une autre façon. Qu'il ait décidé de faire des donations généreuses très régulièrement était certainement un bonus sur lequel Noah n'allait pas cracher...

Lorsque l'homme se présenta et lui fit part de ses intentions, Noah haussa un sourcil, intrigué. Sa formulation laissait entendre qu'il ne croyait pas en Dieu, ou pas de la manière dont Noah le faisait. D'autres que lui tenteraient peut-être de le convaincre du contraire, mais le prêtre ne croyait pas en l'efficacité d'une telle démarche. Ceux et celles qui étaient destinées à croire en Lui choisiraient seuls de s'aventurer sur ce chemin, à un moment ou un autre de leur vie. Tenter de les forcer risquerait, au contraire, de les détourner de leur foi.

Peut-être Aaron avait-il d'autres croyances. Peut-être était-il tout simplement athée. Quoi qu'il en soit, Noah était toujours ouvert à l'idée de partager avec autrui lorsqu'il s'agissait de théologie. Ce domaine le passionnait et le fascinait, au-delà de son statut de Prêtre et de ses convictions religieuses.

La question de l'homme lui arracha un sourire, un début de rire. Aaron allait droit au but, il semblerait. Il réfléchit un instant à sa réponse, avant de laisser les mots s'aventurer librement hors de ses lèvres :

"Aujourd'hui, oui. Si vous me posiez cette même question à un autre moment, il n'est pas impossible que ma réponse ne soit pas aussi marquée. La foi n'est pas une chose immuable, et la remettre en question fait, selon moi, partie de la vie de tout bon chrétien."

Parfois, Noah s'interrogeait sur ses croyances, sa conviction, sur le chemin qu'il avait décidé d'emprunter. A certains moments, il remettait complètement en question l'existence de Dieu, quand, à d'autres instants, il se demandait un peu honteusement s'il n'était pas en réalité guidé par Satan... Avec un don empoisonné comme le sien, comment être sûr de quoi que ce soit ?

"Quiconque vous dira qu'il ou elle ne doute jamais de sa foi vous mentira. A notre époque où la science est plus avancée que jamais, croire en Dieu, son histoire et ses miracles est de plus en plus compliqué, y compris pour les plus dévots. Certains de mes semblables préfèrent renier ces avancements et ces découvertes, mais j'ai choisi de faire autrement. Dans ces circonstances, difficile de ne pas douter."

Noah croyait en Dieu, mais il avait conviction que les hommes étaient faillibles, et qu'à de nombreuses reprises, ils avaient mal interprété Son message, répandant haine et ignorance en déformant ce qu'Il cherchait à leur transmettre. Pour lui, Dieu était Amour, et c'était ce qu'il cherchait à offrir, lorsque son amertume vis-à-vis de son don et de sa solitude ne le consumaient pas complètement.

"Vous, vous n'êtes visiblement pas convaincu de Son existence, à en juger par vos propos. Croyez-vous en un autre ? Ou ne croyez-vous pas du tout ? Quelle que soit votre réponse, vous êtes la bienvenue ici. Dieu accueille tous Ses enfants et les aime sans distinction."

Ses doigts triturèrent son pendentif en forme de croix, un sourire doux étiré sur ses lèvres. Discuter de sa foi était généralement source d'apaisement pour lui. En particulier lorsqu'il était en paix avec lui-même, comme il l'était actuellement.

There's only one god

@Noah Giles

Il écouta le prêtre lui parler de sa religion et de ses convictions profondes en prêtant attention à tout ce qu'il disait, imprimant et mémorisant chacune de ses paroles pour mieux comprendre ce qu'il ne comprenait pas jusqu'à maintenant. Comme était-ce possible de vénérer quelque chose d'invisible ? Quelque chose qui n'avait rien de concret ? A son époque, les Dieux étaient bel et bien une chose tangible, ils vivaient au milieu des mortels et leur existence ne pouvait pas être remise en question tant c'était évident qu'ils existaient.

Il ignorait s'il devait lui parler de sa foi qui n'en était pas vraiment une au final. Il savait que les Dieux existaient, en étant un lui même mais doutait de l'existence de son Dieu à lui. Il n'avait jamais entendu parler de lui après tout mais allez savoir, il avait loupé pas mal de chose pendant qu'il était emprisonné sur cette île et ce n'était pas impossible que d'autres divinités Grecques aient pu se faire passer pour d'autres et être à l'origine de plusieurs nouvelles religions. Il n'avait pas assez d'information ni même assez de recul pour avoir une bonne vision d'ensemble. Bien des choses avaient changées au fil des siècles et après tout, il était suffisamment ouvert d'esprit pour croire en l'existence de ce qu'il ne connaissait pas encore.

« Son existence à lui, non pas vraiment. Loin de moi de dénigrer votre foi et vos croyances, je ne me le permettrai pas. J'ai vu assez de choses au cours de ma longue vie pour croire en l'existence d'êtres supérieurs, divins mais je doute qu'il n'y ait qu'un seul Dieu comme votre religion le prétend. » Ça, c'était bien une chose dont il était sûr et certain. « Personnellement, je crois en l’existence des Dieux au pluriel. Tel que Hadès, Aphrodite, Hermès et j'en passe mais votre religion semble avoir un avis plutôt tranché sur eux. » finit-il par lui avouer. « D'après vous, votre Dieu leur serait antérieur ? » Ce qui était possible au final. Pour Borée, les Dieux avaient toujours existé, présents dès la création du monde mais rien n'excluait qu'une seule personne soit à l'origine de tout ça, bien avant l'existence des divinités Grecques. Tout ceci était entrain de lui donner la migraine pour tout avouer. Il commençait à remettre en question beaucoup de chose et s'il partait là dedans, il aurait du mal à arrêter ses multiples questions et freiner son flot de pensées.

Il s'éloigna un peu de l'homme, son regard déambulant sur la grande croix où était posé un homme, de toutes évidences crucifié. « Qui est-il ? » Tout ce qu'il voyait ici était totalement nouveaux pour lui qui se retrouvait complètement perdu. « Est-ce votre Dieu ? » Un regard interrogatif alors qu'il fixait de nouveau le brun. S'il s'agissait vraiment de leur Dieu, pourquoi avait-il été mis sur une croix. Aaron peinait à comprendre.

« J'ai vu beaucoup de personne partir d'ici avec un petit livre dans les mains, qu'était-ce ? » Il allait passer pour un ermite tout juste sorti de sa grotte ce qui en un sens, était le cas mais peut-être que lire cette ouvrage lui apporterait quelques éléments de réponse.

Cela faisait bien longtemps que Noah ne s'était pas entretenu au sujet de relations polythéistes. Sa dernière discussion à ce sujet remontait à plusieurs mois, avec un fervent pratiquant de l'hindouisme. Si lui-même ne partageait pas cette foi, cela ne l'empêchait pas de s'intéresser à l'idée, et de chercher à comprendre ce que son prochain trouvait dans cette expression de sa croyance.

Noah serait bien prétentieux d'affirmer qu'il détenait l'ultime vérité. Il n'était qu'un homme, après tout, en dépit de ses dons inexpliqués. Comment être certain de la véracité de l'objet de sa foi ? De son exactitude ? Les connaissances à ce sujet s'étaient transmises, perdues et avaient été retrouvées siècle après siècle, dans un cycle continu. La réalité était probablement très différente de ce qu'ils avaient interprété de la Bible et de ce qui leur restait du passé.

Sans compter que les Textes sacrés étaient eux-mêmes sujets à interprétation, potentiellement biaisée par les intentions de leurs nombreux traducteurs, l'époque à laquelle ils vivaient, et leur subjectivité. Si Noah venait à les croire et les respecter à la lettre, il se retrouverait à rejeter ses fidèles handicapés ou défigurés, soi-disant indignes d'honorer Dieu (Leviticus 21:17-23), ou à encourager l'esclavagisme (Leviticus 25:44-46). Merci, mais Noah avait des principes, une morale, et vivait avec son époque.

Résultat, Noah croyait en sa propre vision de Dieu, qu'il s'efforçait de transmettre à ses fidèles, les encourageant à vivre dans l'Amour de soi et de son prochain. Il choisissait les textes et paraboles qui portaient le mieux ces idéaux précis, et les transmettait à sa congrégation, tentant de les guider sur un chemin vertueux. Le reste leur appartenait. Le choix d'être une bonne personne. D'aider l'autre.

La foi d'Aaron n'était pas plus déplacée que la sienne. Noah ne pouvait guère affirmer avoir rencontré régulièrement des croyants de la mythologie grecque, mais il ne lui appartenait pas de décider que l'homme se trompait là où il avait supposément raison. Les remarques d'Aaron sur sa religion, et sa question sur l'existence supposée de Dieu avant les dieux antiques lui tirèrent un rire amusé :

"Il est vrai que beaucoup de mes pairs rejettent d'emblée la possibilité même d'une croyance polythéiste. Certains vont plus loin et affirment que toute religion autre que la leur est simplement barbarie ou une interprétation erronée de Sa parole. Pour ma part, j'estime que toute croyance pourrait avoir une part de réel, et que les religions telles qu'elles existent à notre époque sont le résultat de siècles et d'années de transmissions orales et écrites déformées au fil du temps. J'ai fait le choix de croire en Dieu selon les préceptes chrétiens, mais cela n'invalide d'aucune façon vos propres croyances."

Noah reconnaissait volontiers qu'il était un original, dans sa branche. Un excentrique qui ne prétendait pas détenir les clés d'un savoir immuable, et préférait se faire interprète de ce que sa foi lui transmettait. Sa croyance lui dictait que Dieu aimait toutes Ses créations, et cela incluait des personnes qui ne croyaient pas en Lui, comme Aaron. Qu'il ait foi en des dieux d'un ancien temps faisait probablement autant sens pour lui, que sa propre croyance était logique à Noah.

"Si l'on s'en tient à l'Histoire, il est évident que la mythologie prédate la religion chrétienne. La chrétienté s'est réellement formée il y a approximativement un peu moins de deux millions d'années, mais même sa fondation judaïque est théoriquement apparue après la mythologie grecque. La croyance chrétienne est donc bien plus jeune, mais il ne s'agit que de traces humaines de ma foi. Qui peut vraiment affirmer à quelle époque a réellement été créé Dieu ? Qui peut même être certain qu'Il existe, tout comme vos dieux ?"

La passion de Noah pour la théologie avait pris le dessus sur sa raison, et le voilà à monologuer sur les origines même de la religion, proférant blasphème après blasphème malgré sa foi évidente en son propre Dieu. Bien sûr, Noah n'ira pas répéter ce genre de propos durant une assemblée, mais en-dehors de son prêche, le prêtre n'était qu'un homme, fasciné par les croyances humaines et leurs multiples formes. Qu'il en ait choisi une plutôt qu'une autre ne la rendait plus ou moins légitime.

Le reste des questions d'Aaron le rendit toutefois beaucoup plus perplexe. Noah pouvait comprendre que beaucoup des connaissances dont il disposait au sujet de la religion chrétienne ne soient pas partagées par la majorité des gens. Elles provenaient principalement de ses études, de ses lectures approfondies des textes sacrés, ainsi que de la volonté de satisfaire une curiosité naturelle. Mais qu'un homme adulte aux Etats-Unis puisse ignorer ce qu'était une bible ou, pire encore, le nom et l'apparence de Jésus, le laissait pantois.

"Hmm... Comment dire... ? Je ne voudrais pas me montrer déplacé, mais..."

Noah hésita un bref instant, avant de formuler la théorie qui lui semblait la plus semblable :

"Vous n'êtes pas né ici, je présume ? Et vous êtes arrivé récemment ? Aucun homme ne peut avoir vécu aux Etats-Unis et ignorer qui est Jésus, notre Seigneur et Sauveur, ou ce qu'est une bible. Notre propre président prête serment sur une bible le jour de son inauguration. Que vous partagiez ma croyance ou non, ignorer ce genre de choses est loin d'être monnaie courante."

Noah se gratta la nuque, confus. Il y avait toujours la possibilité que l'homme se moque de lui, ou cherche à tester ses connaissances théologiques, mais il avait du mal à le croire. Aaron semblait relativement sincère, bien qu'ignorant. Avait-il vécu retiré ? Après tout, les communautés Amish, ainsi que bien d'autres, vivaient généralement retranchées sur elle-même, se gardant à l'écart de la modernité et de la société. Etait-ce si incongru de penser que cet homme puisse faire partie de l'une de ces communautés ? Peut-être même d'une secte...

Bien que soudainement inquiet au sujet de son interlocuteur, Noah garda ses réserves pour lui-même, se décidant à expliquer brièvement les fondements les plus basiques de sa religion :

"Le "petit livre" que vous mentionnez est la bible, qui contient tous nos textes sacrés. Il en existe de nombreuses traductions et interprétations, et j'utilise moi-même une New International Version datant de 2011, bien qu'il m'arrive de m'appuyer sur d'autres exemplaires. Avec le temps, les savoirs se perdent, se retrouvent et évoluent. Difficile d'être certain de l'exactitude d'une traduction et du message original transmis..."

Pour certains, c'était l'opportunité de vouloir asseoir Sa version comme l'unique vraie. Pour Noah, c'était une occasion rêvée d'explorer de multiples possibles, et de les lire avec en tête une époque, des moeurs, un(e) écrivain(e) avec des intentions bien particulières... Malgré les nombreuses interprétations, certains éléments demeuraient universels, qu'importe le texte choisi. Et l'un de ces éléments était Jésus...

"L'homme sur la croix est le fils de Dieu, Jésus Christ, aussi connu comme Jésus de Nazareth. Il me faudrait des heures pour vous raconter son histoire dans son entièreté, mais, pour vous résumer succinctement les choses, Jésus est né sur Terre pour porter la parole de Dieu et guider l'humanité. Ce faisant, il aurait accompli de multiples miracles. Ses croyances, ses affirmations, et son influence lui valurent d'être redouté et mis à mort par crucifixion. Trois jours après cela, Jésus aurait ressuscité, serait allé à la rencontre de ses disciples, avant de monter au Paradis, auprès de Dieu."

Pour un résumé grossier, c'était un résumé grossier. Mais comment expliquer en quelques instants à un homme ce que d'autres mettaient des années à apprendre pleinement ? Noah était peut-être prêtre, mais ce genre de miracles, c'était au-dessus de lui.

"Il n'est donc pas notre Dieu, mais il n'en demeure pas moins divin. J'imagine que cela doit vous paraître bien compliqué... Peut-être même absurde. Je ne vous en blâmerais pas."

Le regard de Noah, empli de curiosité, se posa sur Aaron. Samain tritura la croix autour de son cou, alors qu'il interrogeait l'homme, partagé entre perplexité et fascination :

"Avez-vous vécu dans une communauté païenne ? Pardonnez mon indiscrétion, mais je suis sincèrement curieux à l'idée que vous semblez n'avoir pas la moindre notion de la chrétienté. Ici, même les non-croyants ont au moins un vague concept de ce qu'est la religion chrétienne, voire davantage."

Noah fut frappé d'une idée et, d'un geste rapide, s'empara de la Bible dont il s'était appuyé pour sa messe, la tendant à Aaron :

"Tenez. Loin de moi l'idée de vous pousser à croire en ma religion, mais si la curiosité vous prend, vous pouvez toujours commencer à lire la Bible. Bien sûr, je reste également à votre disposition pour répondre à vos interrogations. La théologie est un de mes sujets de prédilection. Je l'étudie depuis mon plus jeune âge, encouragé alors par les Sœurs de mon orphelinat."

Bien sûr, lesdites Soeurs ne l'avaient pas vraiment poussé à s'interroger aux autres religions. Ca, c'était le choix personnel de Noah...

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